La Grèce en quête d’un « deus ex machina »

Dimitri Tsiodras

Une tragédie grecque, dans la meilleure tradition d’Euripide, se joue depuis des années sur la scène économique du pays. Depuis peu, elle attire l’attention de toute la planète, car elle est arrivée à son point culminant. A moins qu’elle ne se change en comédie, car les « statistiques grecques » deviennent un objet de railleries en Europe. Sans oublier la bureaucratie, la corruption, le manque de compétitivité, qui dessinent les traits de la croissance « à la grecque »... Même au sein de feu la Communauté européenne, il était accepté que le Sud européen – Grèce incluse – ait de caractéristiques spéciales. Cela n’avait jamais provoqué de problèmes auparavant, car le pays ne représente que 2,5% du produit intérieur brut (PIB) de l’Union.

Il est impossible d’analyser les événements récents sans revenir sur les origines du problème, et notamment sur le poids déterminant des partis politiques pour tous les aspects de la vie publique : administration, régions, syndicats ; même le système judiciaire opère sous la surveillance du parti au pouvoir. Plus important encore, l’activité économique est contrôlée par l’Etat, de telle sorte qu’au lieu d’améliorer la qualité de leurs produits, les entrepreneurs ont toujours trouvé plus facile de nouer des amitiés avec des dirigeants politiques pour gagner des contrats comme fournisseurs, sous-traitants, constructeurs etc. De quoi leur assurer des recettes satisfaisantes, mais pas améliorer la compétitivité dans une économie mondialisée. Au contraire : une ouverture du marché leur faisait peur. Le secteur public, pour sa part, souffre de la bureaucratie et de la corruption ; il est gonflé par des places inutiles obtenues grâce aux relations de clientélisme politique.

La croissance élevée de ces dernières années, de l’ordre de 4 à 5% par an, était due à trois éléments : les apports de capitaux européens ; les dépenses publiques, qui ont gonflé la dette nationale et le déficit budgétaire ; les dépenses privées rendues possibles par la baisse des taux d’intérêt, après l’introduction de l’euro. Cependant, à l’exception du tourisme et des transports maritimes, les autres secteurs de l’économie sont restés à la traîne.

Pour certains, la Grèce se trouverait dans une situation bien pire si elle ne faisait pas partie de la zone euro. Néanmoins, l’euro, monnaie forte, doit faire face à plusieurs dangers, alors que l’Union européenne ne s’est pas dotée de vraies politiques des taux d’intérêt et des taux de changes. La crise financière a fait surgir les problèmes jusqu’à alors enterrés. Au moment où toutes les économies du monde, frappées par la crise, cherchaient à nouveau l’aide de l’Etat, le gouvernement grec s’est trouvé dans l’impossibilité de suivre, en raison d’un déficit budgétaire de l’ordre de 12,7% en 2009 et d’une dette nationale hallucinante. Les gouvernants n’ont pas trouvé d’autre solution que celle propose par l’Union : l’austérité – même au risque d’une nouvelle récession.

Même si le nouveau gouvernement du Pasok connaissait parfaitement la situation, il a perdu du temps. Les réactions des marchés globalisés, les « manchettes » négatives de quelques géants de la presse mondiale et l’insistance de l’Union ont amené le premier ministre Georges Papandreou à prendre des décisions dures : en plus des mesures pour supprimer la fraude fiscale, la réduction des salaires de la fonction publiques et des allocations sociales, et la réforme de système des retraites.

En retour, la Grèce a demandé de l’aide à l’Union. Pas une aide financière ou un prêt, mais un support politique pour lutter contre la spéculation des hedge funds. L’écart de crédit pour les obligations grecques étant de 350-400 points plus élevé que pour les obligations allemandes, le pays est devenu le maillon faible de la zone euro. Le soutien européen a été obtenu au Sommet du 11 février, mais il s’est accompagné d’exigences de mesures encore plus austères.

Or, la crise constitue un test pour l’euro et une répétition générale pour les autres partenaires devant faire face à des problèmes similaires (les trois autres « PIGS » – Portugal, Italie, Espagne). Plusieurs analystes estiment qu’introduire l’euro sans l’accompagner des politiques adéquates a laissé les pays le plus faibles exposés à des « chocs asymétriques ». « Si la zone Euro était effectivement une zone monétaire optimale, le pays en difficulté s’ajusterait via la mobilité de sa main d’œuvre avec le reste de la zone euro, la flexibilité des salaires et des prix et/ou un transfert budgétaire de rééquilibrage depuis Bruxelles vers le membre sinistré. Aucune de ces trois conditions n’était remplie à la création de l’euro, et peu de réformes structurelles destinées à “assouplir” le marché de l’emploi ont été mises en œuvre depuis afin de créer une Zone monétaire optimale », explique Laurent Jacque (1).

« Aucune union monétaire n’a survécu sans une union fiscale et politique », explique l’économiste Nouriel Roubini (2). Malheureusement, la discussion en Europe n’est actuellement centrée que sur la Grèce, son déficit budgétaire et les mesures nécessaires pour apprivoiser les marches mondiaux. Le gouvernement grec essaie de convaincre l’Union européenne que les ressorts du Pacte de croissance et de stabilité suffisent pour atteindre les objectifs fixés et réduire le déficit de 4% en 2010. Des analystes politiques, en Grèce, ainsi que des économistes de renommée mondiale comme Joseph Stiglitz, sont convaincus que les mesures de rigueur ne constituent pas une vraie solution au problème. L’injection d’argent dans l’économie réelle (avec l’aide possible de la Banque européenne d’investissements) serait essentielle pour éviter de plonger dans une récession encore plus importante.

La Grèce est enfermée dans un cercle vicieux. Comment peut-elle y échapper ? Seulement en appliquant des politiques de croissance et de réorientation des subventions de l’Etat vers les secteurs où cet investissement sera vraiment utile, comme par exemple l’économie « verte » ou l’éducation ; en luttant contre la bureaucratie ; en encourageant les investissements. La situation grecque devrait au moins servir de leçon aux partenaires européens pour élaborer un plan concret de sortie de la crise.

Les Grecs sont terrifiés. Ils se voient à travers les yeux des journalistes étrangers, non plus d’une manière positive comme à l’époque des Jeux olympiques d’Athènes, mais comme les boucs émissaires de la zone euro. Le 16 février, la réunion des ministres des finances, Ecofin, a décidé renforcer les mesures d’austérité : augmentation de la TVA, baisse des salaires des fonctionnaires, taxes indirectes supplémentaires. Le pays ne dispose que de quelques semaines pour prouver son « efficacité » et éviter d’autre mesures, plus restrictives encore. A défaut, le Conseil européen menace de faire jouer l’article 126, paragraphe 11 du Traite de Lisbonne, qui impose des « amendes » à ceux qui ne réussissent pas à contrôler leurs finances publiques. Cet article n’a jamais été appliqué auparavant. La Grèce servirait ainsi d’exemple pour le reste de PIGS.

Selon de récents sondages d’opinion (ALCO, 14 février), la majorité des citoyens croient que les mesures d’austérité sont nécessaires. Ces résultats encouragent le gouvernement à poursuivre son programme. M. Papandreou doit restaurer la crédibilité de son pays au sein de la zone euro, et convaincre ses partenaires de sa coopération absolue. Néanmoins, des voix au sein de son parti même s’élèvent, indignées par l’austérité imposée, et demandent une politique différente, qui n’aurait pas un impact aussi important sur les faibles revenus. M. Papandreou accuse son prédécesseur, M. Costas Caramanlis, d’être responsable de cet état des lieux, pour s’être refusé à mener les réformes nécessaires et avoir usé d’une « comptabilité créative » afin de tromper Bruxelles. Malgré leurs divergences politiques, le deux grands partis (les socialistes du PASOK, au pouvoir, et les conservateurs de la Nouvelle Démocratie, dans l’opposition) se sont mis d’accord sur la politique économique à suivre – du jamais vu dans l’histoire de la Grèce moderne. Même si, sur les autres questions, leur rivalité s’enflamme, notamment autour du « comité d’investigation » créé par le Parlement, pour déterminer comment les gouvernements passés ont manipulé les données économiques.

La quasi totalité de la population croit que des troubles sociaux et des grèves vont se développer, et que, de ce fait, l’application du programme économique du gouvernement ne sera pas facile. Plusieurs analystes craignent que le premier choc ne soit suivi par des réactions violentes et font référence aux émeutes qui ont accompagné le mouvement de décembre 2009. Ils craignent également un euroscepticisme accru, ainsi que la monté des forces politiques extrémistes. Certains avancent l’idée de la constitution d’un gouvernement de coalition. D’autres anticipent l’effondrement de l’équilibre politique actuel et la création de nouveaux partis politiques.

On dit que la crise est également une opportunité. Pour la Grèce, ce pourrait être l’occasion d’effectuer les changements reportés pendant des décennies. Cependant, personne ne peut être sûr que cette situation presque terrifiante constitue un terreau fertile pour les réformes.

Dans les tragédies grecques, c’était le « deus ex machina » qui donnait la solution. Les Grecs modernes le croyaient incarné par l’Union. Maintenant, ils réalisent qu’il n’a jamais existé, et qu’ils doivent imaginer eux-mêmes le dénouement du drame.

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(1) « Anniversaire en demi-teinte pour l’euro », Le Monde diplomatique, février 2009.
(2) « Medicine for Europe’s sinking south », Financial Times, 2 février 2010.
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Source: http://www.monde-diplomatique.fr/2010/03/TSIODRAS/18874 Illustration: http://1mpar.com/wp-content/uploads/2010/01/deus_ex_machina1.jpg ("deus ex machina")

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