Rapprochement entre la Russie et la Corée du Nord : une menace sécuritaire en péninsule coréenne ?
Emmanuel Hache
iris-france.org
Le 19 juin dernier, Vladimir Poutine et Kim Jong-un ont scellé, en Corée du Nord, un accord de défense mutuelle entre les pays, renforçant les liens que tissent Pyongyang et Moscou depuis l’automne dernier. Cet accord marque un tournant dans les relations entre les deux États, mais aussi entre la Corée du Sud et la Russie, accentuant davantage le risque sécuritaire au sein de la péninsule coréenne. Quels étaient les enjeux de la visite de Vladimir Poutine en Corée du Nord ? Comment la guerre en Ukraine aggrave-t-elle les tensions entre les deux Corées ? Comment Pékin a-t-il accueilli cette alliance stratégique entre Moscou et Pyongyang ? Éléments de réponse avec Barthélémy Courmont, directeur de recherche en charge du Programme Asie-Pacifique à l’IRIS.
Accueilli fastueusement à Pyongyang le 19 juin dernier, Vladimir Poutine a rencontré le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, neuf mois après la visite de ce dernier en Russie. Quels étaient les enjeux de ce déplacement ?
Quel état des lieux peut-on dresser des relations entre la Russie et la Corée du Nord ?
Cette visite officielle de Vladimir Poutine en Corée du Nord fut d’abord l’occasion de rappeler les engagements pris à l’automne dernier, lors d’une rencontre entre les deux dirigeants en Sibérie. Pyongyang avait alors engagé la fourniture de munitions (et peut-être d’armes) à la Russie pour son front en Ukraine. En contrepartie, Moscou avait promis un soutien technologique à la Corée du Nord dans le domaine spatial (et sans doute balistique). Cette fois, c’est un accord de défense qui est avancé, avec la promesse d’un soutien mutuel. Concrètement, cela signifie que la Corée du Nord va intensifier ses livraisons de matériel militaire à la Russie et soutient fermement son initiative en Ukraine. Cela suppose aussi que la Russie est désormais un allié de Pyongyang dans sa rivalité avec Séoul, ce qui n’était plus le cas depuis la fin de la Guerre froide et la disparition de l’Union soviétique. En conséquence, Moscou pourrait apporter une aide militaire à son allié dans le cas d’une escalade avec la Corée du Sud (et les États-Unis, mais aussi le Japon), voire une confrontation armée. Cela suppose également, et c’est une mauvaise nouvelle, que Moscou accepte de facto la nucléarisation de la Corée du Nord, déséquilibrant ainsi les efforts visant à engager un dialogue constructif sur cette question (même si ces derniers se sont montrés infructueux).